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les mystères de montréal

boîte en cuir, d’un pied cube, placée dans un coin de la cabine.

Cette boîte, nous n’avions jamais pu savoir ce qu’elle contenait, jamais elle n’avait été ouverte en notre présence. Elle était pesante et contenait autre chose qu’un chapeau, quoiqu’elle eut la forme d’une boîte à chapeau.

Une avant-midi que je l’époussetais, le capitaine m’avait dit :

— Tiens, tu ferais mieux de ne pas toucher à cela.

Nous nous étions souvent demandé ce qu’elle pouvait bien contenir. Mais Thibault la fermait toujours à clef et portait la clef sur lui.

Pourquoi venait-il de la regarder aux mots un sauvage sans tête ? Que pouvait-elle donc contenir ?

Un soir que nous veillions dans la cambuse, Thibault nous dit.

— Or ça, mes gars, il n’y a pas moyen de passer l’hiver ainsi… Cinq longs mois s’écouleront avant la débâcle, et nous sommes sans nourriture… Les ours ne viennent pas sur la côte et si nous n’allons pas les chercher chez eux, nous mourrons de faim avant Noël… Comme je vous l’ai dit, je connais le pays : à vingt lieues d’ici est Natasquan, où la Compagnie de la Baie d’Hudson à un poste où l’on fait la chasse… Là on est sûr de trouver sinon du monde, de l’ours du moins… Si vous voulez dire comme moi nous y irons : vingt lieues, on fait cela en quatre jours… Vaut mieux commencer à se remuer avant d’avoir avalé la dernière bouchée…