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les mystères de montréal

leurs branches dans une amitié fraternelle, et rivalisent pour élancer vers les nues leurs cimes altières.

Elle fut pendant longtemps un repaire de pirates. Située sur le passage des vaisseaux du sud qui se rendent à New-York, on s’y cachait pour fondre subitement sur eux et faire l’abordage, tandis qu’à terre on n’avait connaissance de rien.

La journée où les deux vols audacieux se commettaient à Montréal, un navire était ancré dans la baie de l’île Jones. C’était le Solitaire. Le capitaine était absent depuis une semaine. Parti avec son caissier Jos Matson pour un voyage de deux jours à Washington, il n’était pas revenu et aucune nouvelle le touchant n’était parvenue à bord.

Le soin du navire était resté à Hermienk, un fier second, gaillard résolu, ancien charpentier de navire qui avait échangé la hache d’équarrissage contre celle de l’abordage.

— Si l’un de nos hommes n’est pas revenu après-demain, dit-il aux pirates, nous irons à Washington, humer l’air…

Là dessus les pirates descendirent dans leurs cadres pour la nuit.

C’était un curieux vaisseau que le Solitaire. Construit pour être une frégate et non un corsaire, il avait la solidité du premier sans la vitesse du second. Aussi Buscapié avait-il cru nécessaire de lui ajouter un quatrième mât, ce qui lui donnait un air cocasse.

Ses proportions étaient colossales : deux cents pieds