il paraît que Charles Gagnon est le plus fin hypocrite du Canada.
Cette nouvelle n’eut pas un mauvais effet sur Jeanne, habituée qu’elle était aux événements inattendus. L’arrestation et la condamnation de son père l’avaient impressionnée davantage.
On descendit au salon. La fiancée entra la première.
— Paul ! s’exclama-t-elle, en s’élançant vers le proscrit et en lui serrant la main avec effusion comme une personne qui demanderait : D’où venez-vous ?… Pourquoi nous avoir causé tant de chagrin ?…
— Jeanne, répondit le proscrit, qu’avez-vous donc fait.
Une contrainte visible s’établit entr’eux se tutoyant naguère maintenant intimidés d’être en présence l’un de l’autre.
La fille du notaire rompit ce silence froid :
— Mais comment se fait-il que vous arriviez juste à temps pour les noces ?
— Voici mon histoire en deux mots. En 1837 c’est Charles Gagnon qui a poussé Roch Millaut — que vous n’avez pas oublié sans doute — à nous trahir ; c’est lui même qui a tué ce traître : depuis il m’a fait passer pour mort afin d’obtenir votre main. Il savait que vous seriez fidèle au serment de 37 et que vous n’en épouseriez jamais d’autre tant que je vivrais… J’ai lieu de croire que si nous avons cessé de correspondre c’est grâce à lui :
— Et cette noyade qui a paru sur les journaux ?