Page:Fortier - Les mystères de Montréal, 1893.djvu/162

Cette page a été validée par deux contributeurs.
162
les mystères de montréal

capitaine Smith, dans un état de grande tristesse. En ayant demandé la cause à un matelot, celui-ci lui avait répondu que le fils du capitaine, officier dans l’armée anglaise, venait de se faire tuer dans une guerre au Canada. Paul Turcotte avait cru rêver. Celui que le capitaine pleurait et dont il maudissait le meurtrier était ce jeune militaire que lui même avait tué pour venger son vieux père.

Paul Turcotte était alors devenu Nicolas Houle.

— Ah oui, j’irai à Saint-Denis, continua le capitaine du Marie-Céleste, j’y irai. Je demanderai compte à Jeanne de son silence. La pauvre enfant puisse-t-elle ne pas être morte. — Je lui redemanderai son amour si franchement conquis.

Elle sonnait enfin cette heure de délivrance pour une cinquantaine de patriotes Canadiens-français, dispersés à l’étranger. Elle devait ramener sur le sol natal les victimes d’un gouvernement despotique qui avaient réussi à échapper à la potence. L’orphelin allait revoir son père : la fiancée son fiancé ; le père son fils, et la patrie en deuil des cœurs loyaux et des bras vigoureux, capables de la soutenir et de la fortifier dans les épreuves comme dans les triomphes.

Quand l’équipage du Marie-Céleste se mit à table pour souper, le capitaine était gai, comme on ne l’avait pas vu depuis longtemps.

Après le repas il parla ainsi à ses matelots :

— Mes amis, je comprends ce qui se passe parmi vous depuis la mort du regretté capitaine Smith ; il