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les mystères de montréal

matelots prirent une planche de sept pieds de longueur y attachèrent le mort, le couvrirent d’un drap blanc, lui mirent un boulet de trente-six livres aux pieds, s’agenouillèrent une dernière fois autour de ce cadavre, puis on le lança dans l’Atlantique qui s’ouvrit en faisant ruisseler l’eau sur le tribord du Marie-Céleste.

Nicolas Houle pleura ce vieil ami qui lui avait dû la vie mais à qui il devait en échange sa position de capitaine. Cette mort fut loin de diminuer ses mélancolies.

Il répugna bientôt aux matelots d’obéir à un homme mystérieux qui avant d’être sur le Marie-Céleste pouvait bien être un brigand. On entendait souvent des conversations comme celle-ci :

— Je trouve que nous avons été fous de faire des serments au défunt capitaine Smith, disait Auger.

— Notre nouveau commandant peut nous entraîner dans de mauvaises affaires, continuait Morin,

— Laissez donc faire vous autres, répliquait Saint-Amour, vous vous faites des chimères sur la nature triste de Houle.

— Dans tous les cas, reprenait Morin, si je n’avais pas fait de promesses au défunt Smith, j’avertirais les armateurs.

Ces murmures n’échappaient point au jeune capitaine, et il tâchait de paraître joyeux quand il était au milieu de son équipage.

C’est ainsi qu’on mouilla en rade de Saint-Jean de Terreneuve, après une traversée de trente-six jours.