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du passé !… Parle, Nicolas, parle, j’emporterai ce secret au fond des abîmes : avec moi, il dormira dans les profondeurs de l’Atlantique et jamais aucun mortel ne l’apprendra de John Smith…

Le second se retourna pour balbutier entre ses dents :

— Oh non ; non jamais, ce serait hâter sa dernière heure.

Et à haute voix il dit :

— Capitaine, comment être joyeux quand j’ai vu mourir entre mes bras mon père et ma mère, quand on m’a arraché une fiancée adorée ? Comment demeurer au pays après cela, surtout quand on a ni frère ni sœur ? Comment se souvenir de ces époques sans être sombre ?

Le capitaine ne répondit pas immédiatement. Il parut songer puis dit :

— J’espère, Nicolas, que tu ne voudrais pas tromper un ami sur son lit de mort. Je puis m’être fait des illusions sur ton compte.

Et le vieux marin, comme fatigué par cette conversation, retomba sur sa couche.

On l’eut crut assoupi bien qu’en réalité il fut en proie à une de ces faiblesses extrêmes si fréquentes dans la fièvre jaune et regardées souvent comme des signes de fin prochaine.

Le jour vint sur l’océan, mettant dans la chambre du malade une demi-clarté.

La fièvre augmenta sur le matin. Vers dix heures