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CHAPITRE XIV

la publication


Jeanne Duval pensait que son fiancé était mort et elle avait des raisons pour penser ainsi.

Plusieurs semaines se passèrent qui furent pour Charles Gagnon autant de semaines d’observation et de méditation de projets.

Trois mois s’étaient écoulés depuis qu’un fatal numéro de journal était venu rouvrir les plaies encore saignantes du cœur de Jeanne.

La jeune fille se faisait violence pour chasser de son esprit la pensée d’un fiancé qu’elle ne devait plus revoir, comme on lui avait dit. Mais c’était au-dessus de ses forces. Elle se surprenait à penser aux doux entretiens d’antan, et à se rappeler la figure intelligente du lieutenant des patriotes.

Mais un cœur de vingt ans n’est pas fait pour pleurer éternellement sur un désastre réparable, ni pour traîner jusqu’au tombeau le poids du souvenir d’une illusion déçue.

C’était pour cela que Jeanne commençait à être plus attentive aux sourires dont les jeunes gens ne cessaient pas de l’accabler : car elle était encore belle et charmante comme en mil huit cent trente-sept.

À mesure qu’elle avait grandi en âge, qu’elle s’était développée, sa physionomie s’était perfectionnée et la