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les mystères de montréal

seul au magasin. Du premier coup d’œil Charles vit qu’il était abattu et chagrin.

Antoine lui dit, sans lui souhaiter le bonsoir :

— Tu m’as entraîné dans une mauvaise affaire.

— Comment cela ? fit le jeune marchand avec inquiétude, est-il arrivé quelque chose de fâcheux ?

— Non ; mais tout de même nous agissons mal.

Le traître fut rassuré.

— Tiens, fit-il, tu as des bleues ; il ne faut pas se laissé abattre comme ça. La perte d’Améline n’est pas irréparable.

— Pour moi, elle l’est… C’est un châtiment que Dieu m’envoie… J’ai voulu priver Jeanne de son fiancé, il m’a privé de ma fiancée… Tout cela est de ta faute… Si tu m’avais laissé tranquille chez moi…

— Veux-tu me reprocher de t’avoir acheter quelques lettres à des prix fous ? interrompit le traître d’une voix brève.

— Une telle marchandise ne se paie jamais assez chère.

— Alors tu trouves ton salaire trop mince ?

— Oui, car pour une petite somme, je cours un risque terrible et je me damne…

— Tu le savais avant d’agir ; pourquoi n’as-tu pas fait ton prix en conséquence ?

— Je ne connaissais pas le rôle infâme que tu me ferais jouer… Tu m’as plongé dans un abîme.