poser pour venger l’honneur blessé. Les matelots cependant se rangèrent tous à tribord.
Alors Blackador leur raconta à sa manière comment il s’était fait rouer de coups au café de l’« Aquila Bianca. »
À onze heures du soir trois chaloupes portant chacune quinze hommes se détachèrent de la corvette pour gagner la côte. La nuit était obscure ; le firmament n’était qu’une tache d’encre qu’on eut dit immobile.
Au loin sur les hauteurs abruptes de Gramarez, assis comme un géant sur son trône, le phare Santa-Maria del Mare lançait une lueur douteuse, donnant aux passants de l’océan son éternel avis : de ne pas approcher trop près ; qu’il y a là des récifs traîtres, tombeaux de plusieurs équipages.
Les pirates abordèrent en quelques minutes. Ils cachèrent leurs embarcations dans les broussailles et…
— En rang, les amis, marchons, fit le capitaine en prêchant d’exemple.
Six milles séparent la petite baie de l’est, du port de San-Juan. Le chemin est rocailleux et devient fatiguant : à chaque pas une roche ou un trou à éviter. On ne marche pas un arpent sans risquer de se casser le cou. Pour des marins habitués à un tillac uni, ce trajet est fort pénible. Aussi les pirates du Fantasma exerçaient-ils leur patience en cheminant à la revendication de l’honneur ; les moins patients maudissaient leur capitaine ; les autres maugréaient.