— Moi non plus.
— Il doit y avoir quelque chose là-dessous.
— Je ne sais pas : Jeanne seule et sa mère le savent.
— Ils correspondent toujours ? demanda le traître d’un air insouciant.
— Oui ; au commencement de chaque mois, Jeanne reçoit une lettre.
Un éclair brilla dans les yeux du jeune marchand. Il ne voulut point pousser son interrogatoire plus loin et partit en disant :
— Bon, je ne voulais pas m’amuser et voilà une demi-heure que je jase : je t’ai retardé peut-être.
— Pas du tout.
Antoine accompagna son ami jusque sur le seuil. Là Charles lui souffla à l’oreille :
— J’ai du bon rhum nouvellement arrivé de Montréal. Je t’invite à venir y goûter, puisqu’on ne peut pas te voir autrement.
Antoine promit d’y aller.
Le lendemain soir, il se rendit chez Gagnon. Charles le fit passer en arrière du magasin. Il ferma la porte, causa quelques minutes et, se dirigeant vers un coffre, sortit une bouteille et deux verres qu’il plaça sur la table.
Martel, sans être un ivrogne, aimait à prendre un petit verre de temps en temps. Cependant il ne se grisait jamais, il aimait à se mettre gai mais non à perdre la raison.