place, en se montrant trop patriote. Gore s’était contenté de lui incendier sa maison et ses deux granges remplies de grain et de foin. N’étant pas riche d’avance, il était resté pauvre après le passage des Habits-Rouges. C’était un bon catholique, vivant dans la crainte de Dieu. Il avait neuf enfants et l’ainé s’appelait Antoine.
C’était avec lui que Charles comptait opérer. Il avait vingt-trois ans. C’était un jeune homme actif, laborieux et ami de tous. Il s’occupait des affaires de la poste avec l’intention de succéder à son père. Il parlait de mettre fin à sa vie de célibataire en se mariant à une des plus jolies filles du deuxième rang de Saint-Denis.
Le jour où Charles eut l’idée de faire passer Turcotte pour mort, il vit Antoine qui rentrait chez lui, revenant de sa sucrerie. Il alla le trouver.
Nos deux jeunesses, comme tous les habitants de Saint-Denis, se connaissaient depuis leur enfance. Ils étaient même assez intimes et ne se rencontraient jamais sans se parler. Souvent aussi ils faisaient la veillée dans la même maison, dansaient au même cotillon et se plaçaient dans le même cercle pour jouer au Clairon du roi ou à Recule toi de là.
Quand Charles entra au bureau de poste, Antoine lui offrit une chaise.
Gagnon en habile homme ne dit pas pourquoi il venait. Il parla comme d’habitude de choses et autres ; puis il vint à dire :
— C’est toujours toi qui t’occupes de la malle ?