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tout succinctement, comme c’est le droit de chacun, nos opinions sur la peine de mort.

Oh ! sans doute, vous êtes grands, vous êtes généreux, vous qui ne voulez pas que celui qui a porté les coups de la mort, meure ! Vous êtes admirables dans vos répugnances, dans vos scrupules ; vous êtes immenses dans vos théories, dans vos doctrines à ne pas vous croire investis de la puissance, de la mission de trancher le fil de la vie d’un assassin ! Vous apparaissez d’abord au genre humain comme des anges de rédemption et de miséricorde, comme des rayons lumineux, engendrant la moralisation universelle des peuples ! Mais humbles et charitables âmes que vous êtes, avez-vous bien songé aux conséquences que nous estimons forcées, de vos magnifiques intentions. Le premier but que vous vous proposez, n’est-ce pas (car on doit nécessairement chercher à atteindre un résultat dans un problème social), c’est d’arrêter la propagation du meurtre, du viol, de l’infanticide, ces trois démons forcenés, monstrueusement échevelés de la criminalité humaine ? Ce n’est pas pour le plaisir seulement d’être magnanimes que vous voulez l’être, n’est-ce pas ? Il faut que votre longanimité serve à quelque-chose, sous peine de devenir la risée du bon sens, du raisonnement et de l’utilité publique. Parce que vos instincts, parce que vos penchants sont épurés, vous avez foi en l’épuration, en la rectitude des penchants, des instincts des autres en général ; et à cause de cela, vous vous armez d’indulgence pour tuer le crime en frappant le châtiment, et vous vous dites :

 
Le sang s’arrêtera, par nous qui l’arrêtons !

Oh ! oui nous le répétons encore : Vous êtes nobles !