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qui nous donnent cet oracle le gâtent en y ajoutant qu’Auguste, de retour à Rome, fit élever dans le Capitole un autel avec cette inscription : C’est ici l’autel du fils unique, ou aîné de Dieu. Où avait-il pris cette idée d’un fils unique de Dieu, dont l’oracle ne parle point ?

Enfin, ce qu’il y a de plus remarquable, c’est qu’Auguste, depuis le voyage qu’il fit en Grèce, dix-neuf ans avant la naissance de Jésus-Christ, n’y retourna jamais ; et même, lorsqu’il en revint, il n’était guère dans la disposition d’élever des autels à d’autres dieux qu’à lui : car il souffrit, non seulement que les villes d’Asie lui en élevassent et lui célébrassent des jeux sacrés, mais même qu’à Rome on consacrât un autel à la Fortune, qui était de retour, Fortunae : reduci, c’est-à-dire à lui-même, et que l’on mît le jour d’un retour si heureux entre les jours de fête.

Les oracles qu’Eusèbe rapporte de Porphyre paraissent plus embarrassants que tous les autres. Eusèbe n’aura pas supposé à Porphyre des oracles qu’il ne citait point ; et Porphyre, qui était si attaché au paganisme, n’aura pas cité de faux oracles sur la cessation des oracles mêmes, et à l’avantage de la religion chrétienne. Voici, ce semble, le cas où le témoignage d’un ennemi a tant de force.

Mais aussi, d’un autre côté, Porphyre n’était pas assez malhabile homme pour fournir aux chrétiens des armes contre le paganisme, sans y être nécessairement engagé par la suite de quelque raisonnement, et c’est ce qui ne parait point ici. Si ces oracles eussent été allégués par les chrétiens, et que Porphyre, en convenant qu’ils avaient été effectivement rendus, se fût défendu des conséquences qu’on en voulait tirer, il est sûr qu’ils seraient d’un très grand poids ; mais c’est de Porphyre même que les chrétiens, selon qu’il paraît par l’exemple d’Eusèbe, tiennent ces oracles :