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que bien malade au haut de notre air, il n’est pas respirable pour nous dans toute son étendue, il s’en faut bien ; on dit qu’il ne l’est déjà presque plus au haut de certaines montagnes, et je m’étonne bien que ceux qui ont la folie de croire que des génies corporels habitent l’air le plus pur, ne disent aussi que ce qui fait que ces génies ne nous rendent que des visites et très-rares et très-courtes, c’est qu’il y en a peu d’entre eux qui sachent plonger, et que ceux-là même ne peuvent faire jusqu’au fond de cet air épais, où nous sommes, que des plongeons de très peu de durée. Voilà donc bien des barrières naturelles qui nous défendent la sortie de notre monde, et l’entrée de celui de la lune. Tâchons du moins pour notre consolation de deviner ce que nous pourrons de ce monde-là. Je crois, par exemple, qu’il faut qu’on y voie le ciel, le soleil, et les autres d’une autre couleur que nous ne les voyons. Tous ces objets ne nous paraissent qu’au travers d’une espèce de lunette naturelle qui nous les change. Cette lunette, c’est notre air, mêlé comme il est de vapeurs et d’exhalaisons, et qui ne s’étend pas bien haut. Quelques modernes prétendent que de lui-même il est bleu aussi bien que l’eau de la mer, et que cette couleur ne paraît dans l’un et dans l’autre qu’à une grande profondeur. Le ciel, disent-ils, où