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j’ai pensé à une chose qui met ses habitants en péril. Je ne souffrirai point cela, répondit-elle. Hier vous m’aviez préparée à voir ces gens-là venir ici au premier jour, et aujourd’hui ils ne seroient seulement pas au monde ? Vous ne vous jouerez point ainsi de moi, vous m’avez fait croire les habitants de la lune, j’ai surmonté la peine que j’y avais, je les croirai. Vous allez bien vite, repris-je, il faut ne donner que la moitié de son esprit aux choses de cette espèce que l’on croit, et en réserver une autre moitié libre, où le contraire puisse être admis, s’il en est besoin. Je ne me paie point de sentences, répliqua-t-elle, allons au fait. Ne faut-il pas raisonner de la lune comme de St. Denis ? Non, répondis-je, la lune ne ressemble pas autant à la terre que St. Denis ressemble à Paris. Le soleil élève de la terre et des eaux des exhalaisons et des vapeurs qui, montant en l’air jusqu’à quelque hauteur, s’y assemblent, et forment les nuages. Ces nuages suspendus voltigent irrégulièrement autour de notre globe, et ombragent tantôt un pays, tantôt un autre. Qui verroit la Terre de loin remarqueroit souvent quelques changemens sur sa surface, parce qu’un grand pays couvert par des nuages seroit un endroit obscur, et deviendroit plus lumineux dès qu’il seroit découvert. On verroit des taches qui