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l’autre, ni ce qu’ils y font ; et vous voudriez savoir ce qui se passe dans la lune, dans cet autre vaisseau qui flotte loin de nous par les cieux !

Oh ! reprit-elle, je compte les habitants de la terre australe pour connus, parce qu’assurément ils doivent nous ressembler beaucoup, et qu’enfin on les connaîtra quand on voudra se donner la peine de les aller voir ; ils demeureront toujours là, et ne nous échapperont pas ; mais ces gens de la lune, on ne les connaîtra jamais, cela est désespérant. Si je vous répondois sérieusement, répliquai-je, qu’on ne sait ce qui arrivera, vous vous moqueriez de moi, et je le mériterois sans doute. Cependant je me défendrois assez bien, si je voulais. J’ai une pensée très-ridicule, qui a un air de vraisemblance qui me surprend ; je ne sais où elle peut l’avoir pris, étant aussi impertinente qu’elle est. Je gage que je vais vous réduire à avouer, contre toute raison, qu’il pourra y avoir un jour du commerce entre la terre et la lune. Remettez-vous dans l’esprit l’état où étoit l’Amérique avant qu’elle eût été découverte par Christophe Colomb. Ses habitants vivoient dans une ignorance extrême. Loin de connaître les sciences, ils ne connoissoient pas les arts les plus simples et les plus nécessaires. Ils alloient nus, ils n’avoient point d’autres armes que l’arc,