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dans la lune par St. Jean. Je vous parle d’une des plus agréables folies de l’Arioste, et je suis sûr que vous serez bien aise de la savoir. J’avoue qu’il eut mieux fait de n’y pas mêler St. Jean, dont le nom est si digne de respect ; mais enfin c’est une licence poétique, qui peut seulement passer pour un peu trop gaie. Cependant tout le poème est dédié à un cardinal. et un grand pape l’a honoré d’une approbation éclatante que l’on voit au devant de quelques éditions. Voici de quoi il s’agit. Roland, neveu de Charlemagne, étoit devenu fou, parce que la belle Angélique lui avoit préféré Médor. Un jour Astolfe, brave Paladin, se trouva dans le Paradis Terrestre qui étoit sur la cime d’une montagne très-haute, où son hippogriffe l’avoit porté. Là il rencontre St. Jean, qui lui dit que, pour guérir la folie de Roland, il étoit nécessaire qu’ils fissent ensemble le voyage de la lune. Astolfe, qui ne demandoit qu’à voir du pays, ne se fait point prier, et aussitôt voilà un chariot de feu qui enlève par les airs l’Apôtre et le Paladin. Comme Astolfe n’étoit pas grand philosophe, il fut fort surpris de voir la lune beaucoup plus grande qu’elle ne lui avoit paru de dessus la terre. Il fut bien plus surpris encore de voir d’autres fleuves, d’autres lacs, d’autres montagnes, d’autres villes, d’autres forêts et, ce qui m’auroit bien