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bien portatif, qu’un gros navire monté de cent cinquante pièces de canon, chargé de plus de trois mille hommes, et d’une très-grande quantité de marchandises ? Cependant il ne faut qu’un petit souffle de vent pour le faire aller sur l’eau, parce que l’eau est liquide, et que se laissant diviser avec facilité, elle résiste peu au mouvement du navire ; ou s’il est au milieu d’une rivière, il suivra sans peine le fil de l’eau, parce qu’il n’y a rien qui le retienne. Ainsi la Terre, toute massive qu’elle est, est aisément portée au milieu de la matière céleste, qui est infiniment plus fluide que l’eau, et qui remplit tout ce grand espace où nagent les planètes. Et où faudroit-il que la Terre fût cramponnée pour résister au mouvement de cette matière céleste, et ne pas s’y laisser emporter ? C’est comme si une petite boule de bois pouvoit ne pas suivre le courant d’une rivière.

Mais, répliqua-t-elle encore, comment la terre avec tout son poids se soutient-elle sur votre matière céleste qui doit être bien légère, puisqu’elle est si fluide ? Ce n’est pas à dire, répondis-je, que ce qui est fluide, en soit plus léger. Que dites-vous de notre gros vaisseau, qui avec tout son poids est plus léger que l’eau, puisqu’il y surnage ? Je ne veux plus vous dire rien, dit-elle comme en colère, tant que vous aurez