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pour leur honneur, qu’ils pensent un peu plus qu’on ne fait d’ordinaire pendant la vie. Ils raisonnent mieux que nous des choses d’ici-haut, parce qu’ils les regardent avec plus d’indifférence et plus de tranquillité ; et ils veulent bien en raisonner, parce qu’ils y prennent un reste d’intérêt. Vous avez fait la plupart de leurs Dialogues si courts, qu’il paroît que vous n’avez pas cru qu’ils fussent de grands parleurs, et je suis entré aisément dans votre pensée. Comme les Morts ont bien de l’esprit, ils devroient voir bientôt le bout de toutes les matieres. Je croirois même sans peine qu’ils devroient être assez éclairés, pour convenir de tout les uns avec les autres, et par conséquent pour ne se parler jamais ; car il me semble qu’il n’appartient de disputer qu’à nous autres ignorans, qui ne découvrons pas la vérité ; de même qu’il n’appartient qu’à des aveugles, qui ne voient pas le but où ils vont, de s’entre-heurter dans un chemin. Mais on ne pourroit pas se persuader ici, que les Morts eussent changé de caracteres jusqu’au point de n’avoir plus de sentimens opposés. Quand on a une fois conçu dans le monde une opinion des gens, on n’en sauroit revenir. Ainsi je me suis attaché à rendre les Morts reconnoissables, du moins ceux qui sont fort connus. Vous n’avez pas fait de difficulté d’en supposer quelques-uns, et peut-être aussi quelques-unes des aventures que vous leur attribuez, mais