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EPITRE.

lieu d’espérer que le dessein qui est de vous ; fera passer les choses qui sont de moi ; et si j’ose vous dire que si par hasard mes Dialogues avoient un peu de succès, ils vous feroient plus d’honneur que les vôtres mêmes ne vous en ont fait ; puisqu’on verroit que cette idée est assez agréable, pour n’avoir pas besoin d’être bien exécutée. J’ai fait tant de fonds sur elle, que j’ai cru qu’une partie m’en pourroit suffire. J’ai supprimé Pluton, Caron, Cerbere et tout ce qui est usé dans les enfers. Que je suis fâché que vous ayiez épuisé toutes ces belles matieres de l’égalité des morts, du regret qu’ils ont à la vie, de la fausse fermeté que les philosophes affectent de faire paroître en mourant, du ridicule malheur de ces jeunes gens qui meurent avant les vieillards dont ils croient hériter, et à qui ils faisoient la cour ! Mais après tout, puisque vous aviez inventé ce dessein, il étoit raisonnable que vous en prissiez ce qu’il y avoit de plus beau. Du moins, j’ai tâché de vous imiter dans la fin que vous vous étiez proposée. Tous vos dialogues renferment leur morale, et j’ai fait moraliser tous mes morts ; autrement ce n’eut pas été la peine de faire parler. Des vivans auroient suffi pour dire des choses inutiles. De plus, il y a cela de commode, qu’on peut supposer que les morts sont gens de grande réflexion, tant à cause de leur expérience, que leur loisir ; et on doit croire