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avec toute sa beauté brune. Quand cela seroit vrai, répliqua-t-elle, je ne m’en contenterois pas. Je voudrois que le jour, puisque les blondes doivent être dans ses intérêts, fût aussi le même effet. Pourquoi les amans, qui sont bons juges de ce qui touche, ne s’adressent-ils jamais qu’à la nuit dans toutes les chansons et dans toutes les élégies que je connois ? Il faut bien que la nuit ait leurs remerciemens, lui dis-je ; mais, reprit-elle, elle a aussi toutes leurs plaintes. Le jour ne s’attire point leurs confidences ; d’où cela vient-il ? C’est apparemment, répondis-je, qu’il n’inspire point je ne sais quoi de triste et de passionné. Il semble pendant la nuit que tout soit en repos. On s’imagine que les étoiles marchent avec plus de silence que le soleil, les objets que le ciel présente sont plus doux, la vue s’y arrête plus aisément ; enfin on en rêve mieux, parce qu’on se flatte d’être alors dans toute la nature la seule personne occupée à rêver. Peut-être aussi que le spectacle du jour est trop uniforme, ce n’est qu’un soleil, et une voûte bleue, mais il se peut que la vue de toutes ces étoiles semées confusément, et disposées au hasard en mille figures différentes, favorise la rêverie, et un certain désordre de pensées où l’on ne tombe point sans plaisir. J’ai toujours senti ce que vous me dites, reprit-elle, j’aime les étoiles, et je me plaindrois