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solide qui le nourrit, nous n’en sommes pas mieux, la matière solide se consumera. Nous l’avons déjà même échappé belle, dit-on. Le Soleil a été très-pâle pendant des années entières, pendant celle, par exemple, qui suivit la mort de César. C’étoit la croûte qui commençoit à se faire ; la force du Soleil la rompit et la dissipa, mais si elle eût continué, nous étions perdus. Vous me faites trembler, dit la Marquise. Présentement que je sais les conséquences de la pâleur du Soleil, je crois qu’au lieu d’aller voir les matins à mon miroir si je ne suis point pâle, j’irai voir au ciel si le Soleil ne l’est point lui-même. Ah ! Madame, répondis-je, rassurez-vous, il faut du temps pour ruiner un monde. Mais enfin, dit-elle, il ne faut que du temps ? Je vous l’avoue, repris-je. Toute cette masse immense de matière qui compose l’univers est dans un mouvement perpétuel, dont aucune de ses parties n’est entièrement exempte, et dès qu’il y a du mouvement quelque part, ne vous y fiez point, il faut qu’il arrive des changemens, soit lents, soit prompts, mais toujours dans des temps proportionnés à l’effet. Les Anciens étoient plaisants de s’imaginer que les corps célestes étoient de nature à ne changer jamais, parce qu’ils ne les avoient pas encore vus changer. Avaient-ils eu le loisir de s’en assurer par l’expérience ?