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ques de tendresse ; mais à vous dire la vérité, cet Anubis, c’était Mundus. Voyez si je pouvais m’en défendre. On dit bien que des femmes se sont rendues à des dieux déguisés en hommes, et quelquefois en bêtes ; à plus forte raison devra-t-on se rendre à des hommes déguisés en dieu.

CALLIRHÉE.

En vérité, les hommes sont bien remplis d’avarice. J’en parle par expérience, et il m’est arrivé presque la même aventure qu’à vous. J’étais une fille de la Troade, et sur le point de me marier ; j’allais, selon la coutume du pays, accompagnée d’un grand nombre de personnes, et fort parée, offrir ma virginité au fleuve Scamandre. Après que je lui eus fait mon compliment, voici Scamandre qui sort d’entre ses roseaux, et qui me prend au mot. Je me crus fort honorée, et peut-être n’y eut-il pas jusqu’à mon fiancé qui ne le crût aussi. Tout le monde se tint dans un silence respectueux. Mes compagnes enviaient secrètement ma félicité, et Scamandre se retira dans ses roseaux quand il voulut. Mais combien fus-je étonnée un jour que je rencontrai ce Scamandre qui se promenait dans une petite ville de la Troade, et que j’appris que c’était un capitaine athénien qui avait sa flotte sur cette côte-là !

PAULINE.

Quoi ! vous l’aviez donc pris pour le vrai Scamandre !

CALLIRHÉE.

Sans doute.

PAULINE.

Et était-ce la mode en votre pays que le fleuve acceptât les offres que les filles à marier venaient lui faire ?