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vous ne m’avez pas trop bien prouvé les avantages de l’Europe sur l’Amérique.

FERNAND CORTEZ.

Ils sont assez prouvés par tout ce qui peut distinguer les peuples polis d’avec les peuples barbares. La civilité règne parmi nous ; la force et la violence n’y ont point de lieu ; toutes les puissances y sont modérées par la justice ; toutes les guerres y sont fondées sur des causes légitimes ; et même, voyez à quel point nous sommes scrupuleux, nous n’allâmes porter la guerre dans votre pays, qu’après que nous eûmes examiné fort rigoureusement s’il nous appartenait, et décidé cette question pour nous.

MONTÉZUME.

Sans doute, c’était traiter des barbares avec plus d’égards qu’ils ne méritaient ; mais je crois que vous êtes civils et justes les uns avec les autres, comme vous étiez scrupuleux avec nous. Qui ôterait à l’Europe ses formalités, la rendrait bien semblable à l’Amérique. La civilité mesure tous vos pas, dicte toutes vos paroles, embarrasse tous vos discours, et gène toutes vos actions ; mais elle ne va point jusqu’à vos sentimens ; et toute la justice qui devrait se trouver dans vos desseins, ne se trouve que dans vos prétextes.

FERNAND CORTEZ.

Je ne vous garantis point les cœurs : on ne voit les hommes que par dehors. Un héritier qui perd un parent, et gagne beaucoup de bien, prend un habit noir. Est-il bien affligé ? Non, apparemment. Cependant, s’il ne le prenait pas, il blesserait la raison.

MONTÉZUME.

J’entends ce que vous voulez dire. Ce n’est pas la