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jours de réjouissances, et de ces poulets sacrés, dont l’appétit décidait de tout dans la capitale du monde. Enfin, vous ne sauriez me reprocher une sottise de nos peuples d’Amérique, que je ne vous en fournisse une plus grande de vos contrées ; et même je m’engage à ne vous mettre en ligne de compte que des sottises grecques ou romaines.

FERNAND CORTEZ.

Avec ces sottises là cependant, les Grecs et les Romains ont inventé tous les arts et toutes les sciences, dont vous n’aviez pas la moindre idée.

MONTÉZUME.

Nous étions bien heureux d’ignorer qu’il y eût des sciences au monde ; nous n’eussions peut-être pas eu assez de raison pour nous empêcher d’être savans. On n’est pas toujours capable de suivre l’exemple de ceux d’entre les Grecs, qui apportèrent tant de soins à se préserver de la contagion des sciences de leurs voisins. Pour les arts, l’Amérique avait trouvé des moyens de s’en passer, plus admirables peut-être que les arts mêmes de l’Europe. Il est aisé de faire des histoires, quand on sait écrire ; mais nous ne savions point écrire, et nous faisions des histoires. On peut faire des ponts, quand on sait bâtir dans l’eau ; mais la difficulté est de n’y savoir point bâtir, et de faire des ponts. Vous devez vous souvenir que les Espagnols ont trouvé dans nos terres des énigmes où ils n’ont rien entendu ; je veux dire, par exemple, des pierres prodigieuses, qu’ils ne concevaient pas qu’on eût pu élever sans machines aussi haut qu’elles étaient élevées. Que dites-vous à tout cela ? Il me semble que jusqu’à présent,