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DÉMÉTRIUS.

Ce fut une plaisante vengeance que celle que Démétrius Poliorcète exerça sur mes statues. Puisqu’elles étaient une fois élevées dans toute la ville d’Athènes, ne valait-il pas autant les y laisser ?

HÉROSTRATE.

Oui ; mais avant qu’elles fussent élevées, ne valait-il pas autant ne les point élever ? Ce sont les passions qui font et qui défont tout. Si la raison dominait sur la terre, il ne s’y passerait rien. On dit que les pilotes craignent au dernier point ces mers pacifiques ou l’on ne peut naviguer, et qu’ils veulent du vent, au hasard d’avoir des tempêtes. Les passions sont chez les hommes des vents qui sont nécessaires pour mettre tout en mouvement, quoiqu’ils causent souvent des orages.


DIALOGUE II.

CALLIRHÉE, PAULINE.


PAULINE.

Pour moi, je tiens qu’une femme est en péril dès qu’elle est aimée avec ardeur. De quoi un amant passionné ne s’avise-t-il pas pour arriver à ses fins ? J’avais long-temps résisté à Mundus, qui était un jeune romain fort bien fait ; mais enfin, il remporta la victoire par un stratagême. J’étais fort dévote au dieu Anubis. Un jour une prêtresse de ce dieu me vint dire de sa part qu’il était amoureux de moi, et qu’il me demandait un rendez-vous dans son temple. Maîtresse d’Anubis ! figurez-vous quel honneur. Je ne manquai pas au rendez-vous ; j’y fus reçue avec beaucoup de mar-