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ANNE DE BOULEN.

Il me semble que vous ne devez pas mettre au nombre de vos avantages, des infidélités que vous fîtes à votre amant, et qui, selon toutes les apparences, furent secrètes ; elles ne peuvent servir à relever votre gloire. Mais quand je commençai à être aimée du roi d’Angleterre, le public qui était instruit de mes aventures, ne me garda point le secret, et cependant je triomphai de la renommée.

LA DUCHESSE DE VALENTINOIS.

Je vous prouverais peut-être, si je voulais, que j’ai été infidèle à Henri II, avec assez peu de mystère pour m’en pouvoir faire honneur ; mais je ne veux point m’arrêter sur ce point là. Le manque de fidélité se peut ou cacher, ou réparer : mais comment cacher, comment réparer le manque de jeunesse ? J’en suis pourtant venue à bout. J’étais coquette, et je me faisais adorer : ce n’est rien ; mais j’étais âgée. Vous, vous étiez jeune, et vous vous laissâtes couper la tête. Toute grand’mère que j’étais, je suis assurée que j’aurais eu assez d’adresse pour empêcher qu’on ne me la coupât.

ANNE DE BOULEN.

J’avoue que c’est là la tache de ma vie ; n’en parlons point. Je ne puis me rendre sur votre âge même, qui était votre fort : il était assurément moins difficile à déguiser que la conduite que j’avais eue. Je devais avoir bien troublé la raison de celui qui se résolvait à me prendre pour sa femme ; mais il suffisait que vous eussiez prévenu en votre faveur, et accoutumé peu à peu aux changemens de votre beauté, les yeux de celui qui vous trouvait toujours belle.