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aux uns, ni aux autres, du moins le plaisir de la même erreur leur est dû.


DIALOGUE V.

LA DUCHESSE DE VALENTINOIS, ANNE DE BOULEN.


ANNE DE BOULEN.

J’admire votre bonheur. Il semble que Saint-Vallier, votre père, ne commette un crime que pour faire votre fortune. Il est condamné à perdre la tête ; vous allez demander sa grâce au roi. Être jolie, et demander des grâces à un jeune prince, c’est s’engager à en faire, et aussitôt vous voilà maîtresse de François Ier.

LA DUCHESSE DE VALENTINOIS.

Le plus grand bonheur que j’aie eu en cela , est d’avoir été amenée à la galanterie par l’obligation où est une fille de sauver la vie à son père. Le penchant que j’y avais, pouvait aisément être caché sous un prétexte si honnête et si favorable.

ANNE DE BOULEN.

Mais votre goût se déclara bientôt par les suites ; car vos galanteries durèrent plus long-temps que le péril de votre père.

LA DUCHESSE DE VALENTINOIS.

Il n’importe. En fait d’amour, toute l’importance est dans les commencemens. Le monde sait bien que qui fait un pas, en fera davantage ; il ne s’agit que de bien faire ce premier pas. Je me flatte que ma conduite n’a pas mal répondu à l’occasion que la fortune m’offrit, et que je ne passerai pas dans l’histoire pour n’avoir