Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome IV, 1825.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les hommes ont un courage incroyable pour les choses dont ils sont une fois entêtés. Chacun croit que ce qui a été refusé à tous les autres lui est réservé. Dans vingt-quatre mille ans, il viendra des philosophes qui se vanteront de détruire toutes les erreurs qui auront régné pendant trente mille, et il y aura des gens qui croiront qu’en effet on ne fera alors que commencer à ouvrir les yeux.

LE FAUX DÉMÉTRIUS.

Quoi ! c’était hasarder infiniment que de vouloir tromper les Moscovites pour la troisième fois ; et à vouloir tromper tous les hommes pour la trente millième, il n’y aura rien à hasarder ? Ils sont donc encore plus dupes que les Moscovites.

DESCARTES.

Oui, sur le chapitre de la vérité. Ils en sont plus amoureux que les Moscovites ne l’étaient du nom de Démétrius.

LE FAUX DÉMÉTRIUS.

Si j’avais à recommencer, je ne voudrais point être faux Démétrius, je me ferais philosophe : mais si on venait à se dégoûter de la philosophie et à désespérer de pouvoir découvrir la vérité… car je craindrais toujours cela.

DESCARTES.

Vous aviez bien plus sujet de craindre quand vous étiez prince. Croyez que les hommes ne se décourageront point ; cela ne leur arrivera jamais. Puisque les modernes ne découvrent pas la vérité plus que les anciens, il est bien juste qu’ils aient au moins autant d’espérance de la découvrir. Cette espérance est toujours agréable, quoique vaine. Si la vérité n’est due ni