eu un méchant moment ; mais combien as-tu eu auparavant de journées agréables ? Qu’eusses-tu fait, si tu n’eusses jamais été que musicien ? Tu te serais bien ennuyé dans une fortune si médiocre.
J’eusse cherché mon bonheur dans moi-même.
Va, tu es un fou. Tu t’es gâté depuis ta mort par des réflexions oisives, ou par le commerce que tu as eu avec les philosophes qui sont ici. C’est bien aux hommes à avoir leur bonheur dans eux-mêmes !
Il ne leur manque que d’en être persuadés. Un poète de mon pays a décrit un château enchanté, où des amans et des amantes se cherchent sans cesse avec beaucoup d’empressement et d’inquiétude, se rencontrent à chaque moment, et ne se reconnaissent jamais. Il y a un charme de la même nature sur le bonheur des hommes : il est dans leur propre pensée, mais ils n’en savent rien ; il se présente mille fois à eux, et ils le vont chercher bien loin.
Laisse là le jargon et les chimères des philosophes. Lorsque rien ne contribue à nous rendre heureux, sommes-nous d’humeur à prendre la peine de l’être par notre raison ?
Le bonheur mériterait pourtant bien qu’on prit cette peine là.
On la prendrait inutilement : il ne saurait s’accorder avec elle : on cesse d’être heureux, sitôt que l’on sent