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nais tête à tête avec vous, comme à l’ordinaire, lorsque je vis entrer le roi, accompagné de celui qui avait été choisi pour être un de mes meurtriers, parce que c’était le plus affreux Écossais qui ait jamais été, et qu’une longue fièvre quarte dont il relevait, l’avait encore rendu plus effroyable. Je ne sais s’il me donna quelques coups ; mais autant qu’il m’en souvient, je mourus de la seule frayeur que sa vue me fit.

MARIE STUART.

J’ai rendu tant d’honneur à ta mémoire, que je t’ai fait mettre dans le tombeau des rois d’Écosse.

DAVID RICCIO.

Je suis dans le tombeau des rois d’Écosse !

MARIE STUART.

Il n’est rien de plus vrai.

DAVID RICCIO.

J’ai si peu senti le bien que cela m’a fait, que vous m’en apprenez la première nouvelle. Ô mon luth ! faut-il que je t’aie quitté pour m’amuser à gouverner un royaume !

MARIE STUART.

Tu te plains ? Songe que ma mort a été mille fois plus malheureuse que la tienne.

DAVID RICCIO.

Oh ! vous étiez née dans une condition sujette à de grands revers ; mais moi, j’étais né pour mourir dans mon lit. La nature m’avait mis dans la meilleure situation du monde pour cela : point de bien, beaucoup d’obscurité, un peu de voix seulement, et de génie pour jouer du luth.

MARIE STUART.

Ton luth te tient toujours au cœur. Hé bien, tu as