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DIALOGUES
DES MORTS MODERNES.
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DIALOGUE PREMIER.

SOLIMAN, JULIETTE DE GONZAGUE.


SOLIMAN.

Ah ! pourquoi est-ce ici la première fois que je vous vois ? Pourquoi ai-je perdu toute la peine que je pris pendant ma vie à vous faire chercher ? J’eusse eu dans mon sérail la plus belle personne de l’Italie, et a présent, je ne vois qu’une ombre qui n’a point de traits, et qui ressemble à toutes les autres.

JULIETTE DE GONZAGUE.

Je ne puis trop vous remercier de l’amour que vous eûtes pour moi, sur la réputation que j’avais d’être belle. Cela même redoubla beaucoup cette réputation ; et je vous dois les plus agréables momens que j’aie passés. Surtout je me souviendrai toujours avec plaisir de la nuit où le pirate Barberousse, à qui vous aviez donné ordre de m’enlever, pensa me surprendre dans Caïette et m’obligea de sortir de la ville dans un désordre et avec une précipitation extrême.

SOLIMAN.

Par quelle raison preniez-vous la fuite, si vous étiez bien aise qu’on vous cherchât de ma part ?