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faiblesse pour la consolation de ceux avec qui j’aurais à vivre.

LUCRÈCE.

C’est-à-dire, qu’en faveur des femmes qui n’avaient pas tant de vertu, vous aviez un peu adouci la vôtre ?

BARBE PLOMBERGE.

J’en avais adouci les apparences, de peur qu’elles ne me regardassent comme leur accusatrice auprès du public, si elles m’eussent crue beaucoup plus sévère qu’elles.

LUCRÈCE.

Elles vous étaient en vérité fort obligées, et surtout la princesse, qui était assez heureuse d’avoir trouvé une mère pour ses enfans. Et ne vous en donna-t-elle qu’un ?

BARBE PLOMBERGE.

Non.

LUCRÈCE.

Je m’en étonne ; elle devait profiter davantage de la commodité qu’elle avait, car vous ne vous embarrassiez point du tout de la réputation.

BARBE PLOMBERGE.

Je vais vous surprendre. Sachez que l’indifférence que j’ai eue pour la réputation m’a réussi. La vérité s’est fait connaître, malgré tous mes soins, et on a démêlé à la fin que le prince qui passait pour mon fils ne l’était point. On m’a rendu plus de justice que je n’en demandais ; et il me semble qu’on m’ait voulu récompenser par là de ce que je n’avais point fait parade de ma vertu, et de ce que j’avais généreusement dispensé le public de l’estime qu’il me devait.