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a-t-elle des idées nettes, d’où elle tire des conséquences qui ne le sont pas moins ?

RAPHAËL D’URBIN.

Je suis fort trompé si elles ne sont en petit nombre, ces idées nettes.

STRATON.

Il n’importe ; on ne doit ajouter qu’à elles une foi entière.


RAPHAËL D’URBIN.

Cela ne se peut, parce que la raison nous propose un trop petit nombre de maximes certaines, et que notre esprit est fait pour en croire davantage. Ainsi, le surplus de son inclination à croire va au profit des préjugés, et les fausses opinions achèvent de la remplir.

STRATON.

Et quel besoin de se jeter dans l’erreur ? Ne peut-on pas dans les choses douteuses suspendre son jugement ? La raison s’arrête, quand elle ne sait quel chemin prendre.

RAPHAËL D’URBIN.

Vous dites vrai ; elle n’a point alors d’autres secrets, pour ne point s’écarter, que de ne pas faire un seul pas ; mais cette situation est un état violent pour l’esprit humain ; il est en mouvement, il faut qu’il aille. Tout le monde ne sait pas douter : on a besoin de lumières pour y parvenir, et de force pour s’en tenir là. D’ailleurs, le doute est sans action, et il faut de l’action parmi les hommes.

STRATON.

Aussi doit-on conserver les préjugés de la coutume pour agir comme un autre homme ; mais on doit se dé-