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où elles contemplent le beau dans son essence ; leurs chutes malheureuses d’un lieu si élevé jusques sur la terre, par la faute d’un de leurs chevaux qui est très malaisé à mener ; le froissement de leurs ailes ; leur séjour dans le corps ; ce qui leur arrive à la rencontre d’un beau visage qu’elles reconnaissent pour une copie de ce beau qu’elles ont vu dans le ciel ; leurs ailes qui se réchauffent, qui recommencent à pousser, et dont elles tachent de se servir pour s’envoler vers ce qu’elles aiment ; enfin, cette crainte, cette horreur, cette épouvante dont elles sont frappées à la vue de la beauté qu’elles savent qui est divine, cette sainte fureur qui les transporte, et cette envie qu’elles sentent de faire des sacrifices à l’objet de leur amour, comme on en fait aux dieux.

PLATON.

Je vous assure que tout cela, bien entendu et fidèlement traduit, veut seulement dire que les belles personnes sont propres à inspirer bien des transports.

MARGUERITE D’ÉCOSSE.

Mais, selon vous, on ne s’arrête point à la beauté corporelle, qui ne fait que rappeler le souvenir d’une beauté infiniment plus charmante. Serait-il possible que tous ces mouvemens si vifs, que vous aviez dépeints, ne fussent causes que par de grands yeux, une petite bouche et un teint frais ? Ah ! donnez-leur pour objet la beauté de l’âme, si vous voulez les justifier, et vous justifier vous-même de les avoir dépeints.

PLATON.

Voulez-vous que je vous dise la vérité ? La beauté de l’esprit donne de l’admiration, celle de l’âme donne de l’estime, et celle du corps de l’amour. L’estime et