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que j’avais voulu baiser cette bouche d’où étaient sorties tant de belles paroles ; il y a là je ne sais combien d’ombres qui se moquent de moi, et qui me soutiennent que de telles faveurs ne sont que pour les bouches qui sont belles, et non pour celles qui parlent bien, et que la science ne doit point être payée en même monnaie que la beauté. Venez apprendre à ces ombres, que ce qui est véritablement digne de causer des passions échappe à la vue, et qu’on peut être charmé du beau, même au travers de l’enveloppe d’un corps très laid dont il sera revêtu.

PLATON.

Pourquoi voulez-vous que j’aille débiter ces choses là ? elles ne sont pas vraies.

MARGUERITE D’ÉCOSSE.

Vous les avez déjà débitées mille et mille fois.

PLATON.

Oui, mais c’était pendant ma vie. J’étais philosophe, et je voulais parler d’amour ; il n’eût pas été de la bienséance de mon caractère que j’en eusse parlé comme les auteurs des fables milésiennes[1] : je couvrais ces matières là d’un galimatias philosophique, comme d’un nuage, qui empêchait que les yeux de tout le monde ne les reconnussent pour ce qu’elles étaient.

MARGUERITE D’ÉCOSSE.

Je ne crois pas que vous songiez à ce que vous me dites. Il faut bien que vous ayez parlé d’un autre amour que de l’amour ordinaire, quand vous avez décrit si pompeusement ces voyages que les âmes ailées font dans des chariots sur la dernière voûte des cieux,

  1. Romans de ce temps-là.