Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome IV, 1825.djvu/36

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et à moi, de croire que j’étais venu à bout du grand œuvre ?

ARTÉMISE.

Je l’avouerai très volontiers. Le public est fait pour être la dupe de beaucoup de choses ; il faut profiter des dispositions où il est.

RAIMOND LULLE.

Mais n’y aurait-il plus rien qui nous fût commun à tous deux ?

ARTÉMISE.

Jusqu’à présent, je me trouve fort bien de vous ressembler. Dites.

RAIMOND LULLE.

N’avons-nous point tous deux cherché une chose qui ne se peut trouver ; vous, le secret d’être fidèle à votre mari, et moi, celui de changer les métaux en or ? Je crois qu’il en est de la fidélité conjugale comme du grand œuvre.

ARTÉMISE.

Il y a des gens qui ont si mauvaise opinion des femmes, qu’ils diront peut-être que le grand œuvre n’est pas assez impossible pour entrer dans cette comparaison.

RAIMOND LULLE.

Oh ! je vous le garantis aussi impossible qu’il faut.

ARTÉMISE.

Mais d’où vient qu’on le cherche, et que vous-même, qui paraissez avoir été homme de bon sens, vous avez donné dans cette rêverie ?

RAIMOND LULLE.

Il est vrai qu’on ne peut trouver la pierre philosophale, mais il est bon qu’on la cherche : en la cher-