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DIALOGUES
DES MORTS ANCIENS
AVEC DES MODERNES.
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DIALOGUE PREMIER.

SÉNÈQUE, SCARRON.


SÉNÈQUE.

Vous me comblez de joie en m’apprenant que les stoiciens subsistent encore, et que dans ces derniers temps, vous avez fait profession de cette secte.

SCARRON.

J’ai été, sans vanité, plus stoïcien que vous, plus que Chrysippe, et plus que Zénon votre fondateur. Vous étiez tous en état de philosopher à votre aise ; vous, en votre particulier, vous aviez des richesses immenses. Pour les autres, ou ils ne manquaient pas de bien, ou ils jouissaient d’une assez bonne santé, ou enfin ils avaient tous leurs membres : ils allaient, ils venaient à la manière ordinaire des hommes. Mais moi, j’étais dans une très mauvaise fortune, tout contrefait, presque sans figure humaine, immobile, attaché à un lieu comme un tronc d’arbre, souffrant continuellement ; et j’ai fait voir que tous ces maux s’arrêtaient au corps, et ne pouvaient passer jusqu’à l’âme du sage ; le cha-