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c’est ainsi qu’on en est la victime, et puis la divinité; jeu assez plaisant à considérer avec des yeux indifférents.

Je puis même pousser la prédiction encore plus loin. Un temps a été que les Latins étaient modernes, et alors ils se plaignaient de l’entêtement que l’on avait pour les Grecs qui étaient les anciens. La différence de temps qui est entre les uns et les autres disparaît à notre égard, à cause du grand éloignement où nous sommes; ils sont tous anciens pour nous, et nous ne faisons pas de difficulté de préférer ordinairement les Latins aux Grecs parce qu’entre anciens et anciens, il n’y a pas de mal que les uns I emportent sur les autres; mais entre anciens et modernes ce serait un grand désordre que les modernes l’emportassent. Il ne faut qu’avoir patience, et par une longue suite de siècles nous deviendrons les contemporains des Grecs et des Latins; alors il est aisé de prévoir qu’on ne fera aucun scrupule de nous préférer hautement à eux sur beaucoup de choses. Les meilleurs ouvrages de Sophocle, d’Euripide, d’Aristophane, ne tiendront guère devant Cinna, Ariane, Andromaque, le Misanthrope, et un grand nombre d’autres tragédies et comédies du bon temps, car il en faut convenir de bonne foi, il y a environ dix ans que ce bon temps est passé. Je ne crois pas que Théagène et Chariclée, Clitophon et Leucippe, soient jamais comparés à Cyrus, à l’Astrée, à Zayde, à la Princesse de Clèves. Il y a même des espèces nouvelles comme les lettres galantes, les contes, les opéras, dont chacune nous a fourni un auteur excellent, auquel l’antiquité n’a rien à opposer, et qu’apparemment la postérité ne surpassera pas. N’y eût-il que les chansons,