Page:Fontenelle - Œuvres de Fontenelle, Tome IV, 1825.djvu/248

Cette page n’a pas encore été corrigée

de tous les siècles à un seul homme, peut s’étendre sur toute notre question des anciens et des modernes. Un bon esprit cultivé est, pour ainsi dire, composé de tous les esprits des siècles précédents, ce n’est qu’un même esprit qui s’est cultivé pendant tout ce temps-là. Ainsi cet homme qui a vécu depuis le commencement du monde jusqu’à présent, a eu son enfance où il ne s’est occupé que des besoins les plus pressants de la vie, sa jeunesse où il a assez bien réussi aux choses d’imagination, telles que la poésie et l’éloquence, et où même il a commencé à raisonner, mais avec moins de solidité que de feu. Il est maintenant dans l’âge de virilité, où il raisonne avec plus de force et a plus de lumières que jamais, mais il serait bien plus avancé si la passion de la guerre ne l’avait occupé longtemps, et ne lui avait donné du mépris pour les sciences, auxquelles il est enfin revenu.

Il est fâcheux de ne pouvoir pas pousser jusqu’au bout une comparaison qui est en si beau train, mais je suis obligé d’avouer que cet homme-là n’aura point de vieillesse; il sera toujours également capable des choses auxquelles sa jeunesse était propre, et il le sera toujours de plus en plus de celles qui conviennent à l’âge de virilité; c’est-à-dire, pour quitter l’allégorie, que les hommes ne dégénéreront jamais, et que les vues saines de tous les bons esprits qui se succéderont, s’ajouteront toujours les unes aux autres.

Cet amas qui croît incessamment, de vues qu’il faut suivre, de règles qu’il faut pratiquer, augmente toujours aussi la difficulté de toutes les espèces de sciences ou d’arts; mais d’un autre côté de nouvelles facilités naissent pour récompenser ces difficultés; je m’expliquerai