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historiens pour écrire leurs vies; ce qu’il y a de vrai, c’est qu’en tout temps les historiens et les poètes sont tout prêts, et que les princes n’ont qu’à vouloir les mettre en œuvre.

Les siècles barbares qui ont suivi celui d’Auguste, et précédé celui-ci, fournissent aux partisans de l’antiquité celui de tous leurs raisonnements qui a le plus d’apparence d’être bon. D’où vient, disent-ils, que dans ces siècles-là l’ignorance était si épaisse et si profonde? C’est que l’on n’y connaissait plus les Grecs et les Latins, on ne les lisait plus; mais du moment que l’on se remit devant les yeux ces excellents modèles, on vit renaître la raison et le bon goût. Cela est vrai, et ne prouve pourtant rien. Si un homme qui aurait de bons commencements des sciences, des belles lettres, venait à avoir une maladie qui les lui fit oublier, serait-ce à dire qu’il en fût devenu incapable? Non, il pourrait les reprendre quand il voudrait, en recommençant dès les premiers éléments. Si quelque remède lui rendait la mémoire tout à coup, ce serait bien de la peine épargnée, il se retrouverait sachant tout ce qu’il avait su, et pour continuer, il n’aurait qu’à reprendre où il aurait fini. La lecture des anciens a dissipé l’ignorance et la barbarie des siècles précédents. Je le crois bien. Elle nous rendit tout d’un coup des idées du vrai et du beau, que nous aurions été longtemps à rattraper, mais que nous eussions rattrapées à la fin sans le secours des Grecs et des Latins, si nous les avions bien cherchées. Et où les eussions-nous prises? Où les avaient prises les anciens. Les anciens mêmes avant que de les prendre, tâtonnèrent bien longtemps.

La comparaison que nous venons de faire des hommes