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Il eût toujours dû être bien facile, à ce qu’il semble, de s’aviser que tout le jeu de la nature consiste dans les figures et dans les mouvements des corps; cependant avant que d’en venir là il a fallu essayer des idées de Platon, de nombres de Pythagore, des qualités d’Aristote, et tout cela ayant été reconnu pour faux, on a été réduit à prendre le vrai système. Je dis qu’on y a été réduit, car en vérité il n’en restait plus d’autre, et il semble qu’on s’est défendu de le prendre aussi longtemps qu’on a pu. Nous avons l’obligation aux anciens de nous avoir épuisé la plus grande partie des idées fausses qu’on se pouvait faire; il fallait absolument payer à l’erreur et à l’ignorance le tribut qu’ils ont paye, et nous ne devons pas manquer de reconnaissance envers ceux qui nous en ont acquittés. Il en va de même sur diverses matières, où il y a je ne sais combien de sottises que nous dirions, si elles n’avaient pas été dites, et si on ne nous les avait pas, pour ainsi dire, enlevées; cependant il y a encore quelquefois des modernes qui s en ressaisissent, peut-être parce qu’elles n’ont pas encore été dites autant qu’il faut. Ainsi étant éclairés par les vues des anciens, et par leurs fautes mêmes, il n’est pas surprenant que nous les surpassions. Pour ne faire que les égaler, il faudrait que nous fussions d une nature fort inférieure à la leur, il faudrait presque que nous ne fussions pas hommes aussi bien qu’eux.

Cependant afin que les modernes puissent toujours enchérir sur les anciens, il faut que les choses soient d’une espèce à le permettre. L’éloquence et la poésie ne demandent qu’un certain nombre de vues assez borné, et elles dépendent