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parce que l’art et la culture peuvent beaucoup plus sur les cerveaux que sur la terre, qui est d’une matière plus dure et plus intraitable. Ainsi les pensées d’un pays se transportent plus aisément dans un autre que ses plantes, et nous n’aurions pas tant de peine à prendre dans nos ouvrages le génie italien, qu’à élever des orangers.

Il me semble qu’on assure ordinairement qu’il y a plus de diversité entre les esprits qu’entre les visages. Je n’en suis pas bien sûr. Les visages, à force de se regarder les uns les autres, ne prennent point de ressemblances nouvelles, mais les esprits en prennent par le commerce qu’ils ont ensemble. Ainsi les esprits qui naturellement différaient autant que les visages, viennent à ne différer plus tant.

La facilité qu’ont les esprits à se former jusqu’à un certain point les uns sur les autres, fait que les peuples ne conservent pas entièrement l’esprit original qu’ils tireraient de leur climat. La lecture des livres grecs produit en nous le même effet à proportion que si nous n’épousions que des Grecques. Il est certain que par des alliances si fréquentes le sang de Grèce et celui de France s’altéreraient, et que l’air de visage particulier aux deux nations changerait un peu.

La petite différence de climat qui est entre deux nations voisines peut donc fort aisément être effaces à l’égard des esprits, par le commerce de livres qu’elles auront ensemble; il n’en irait pas de même entre deux peuples fort éloignés. Il y a de l’apparence que les nègres et les Lapons liraient les livres grecs, sans prendre beaucoup de l’esprit grec. Pour moi, j’ai de l’inclination à croire que la zone torride et les deux