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n’a d’esprit qu’autant qu’on les admire, que la nature s’est épuisée à produire ces grands originaux, en vérité ils nous les font d’une autre espèce que nous, et la physique n’est pas d’accord avec toutes ces belles phrases. La nature a entre les mains une certaine pâte qui est toujours la même, qu’elle tourne et retourne sans cesse en mille façons et dont elle forme les hommes, les animaux, les plantes; et certainement elle n a point formé Platon, Démosthène ni Homère d’une argile plus fine ni mieux préparée que nos philosophes, nos orateurs et nos poètes d’aujourd’hui. Je ne regarde ici dans nos esprits qui ne sont pas d’une nature matérielle, que la liaison qu’ils ont avec le cerveau qui est matériel, et qui par ses différentes dispositions produit toutes les différences qui sont entre eux.

Mais si les arbres de tous les siècles sont également grands, les arbres de tous les pays ne le sont pas. Voilà des différences aussi pour les esprits. Les différentes idées sont comme des plantes ou des fleurs qui ne viennent pas également bien en toutes sortes de climats. Peut-être notre terroir de France n’est-il pas propre pour les raisonnements que font les Égyptiens, non plus que pour leurs palmiers; et sans aller si loin, peut-être les orangers qui ne viennent pas aussi facilement ici qu’en Italie, marquent-ils qu’on a en Italie un certain tour d’esprit que l’on n’a pas tout à fait semblable en France. Il est toujours sûr que par l’enchaînement et la dépendance réciproque qui est entre toutes les parties du monde matériel, les différences de climats qui se font sentir dans les plantes, doivent s’étendre jusqu’aux cerveaux, et y faire quelque effet.

Cet effet cependant y est moins grand et moins sensible,