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ou assez heureuse pour en avoir sujet. Il ne me reste que ceux qui ont tenu bon contre le temps et contre les faveurs, et ils sont à peu près en même quantité que les dieux qui ont aimé des mortels.

CALLIRHÉE.

Encore faut-il qu’il se trouve de la fidélité, même selon cette idée. Car, qu’on aille dire à une femme qu’on est un dieu épris de son mérite, elle n’en croira rien ; qu’on lui jure d’être fidèle, elle le croira. Pourquoi cette différence ? C’est qu’il y a des exemples de l’un, et qu’il n’y en a pas de l’autre.

PAULINE.

Pour les exemples, je tiens la chose égale ; mais ce qui fait qu’on ne donne pas dans l’erreur de prendre un homme pour un dieu, c’est que cette erreur la n’est pas soutenue par le cœur. On ne croit pas qu’un amant soit une divinité, parce qu’on ne le souhaite pas ; mais on souhaite qu’il soit fidèle, et on croit qu’il l’est.

CALLIRHÉE.

Vous vous moquez. Quoi ! toutes les femmes prendraient leurs amans pour des dieux, si elles souhaitaient qu’ils le fussent ?

PAULINE.

Je n’en doute presque pas. Si cette erreur était nécessaire pour l’amour, la nature aurait disposé notre cœur à nous l’inspirer. Le cœur est la source de toutes les erreurs dont nous avons besoin ; il ne nous refuse rien dans cette matière là.