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rapport à l’espace, qu’un infiniment petit ; et l’univers, quoique très réel, ne serait qu’un vide immense qui ne contiendrait rien, privé de toute force, de toute action, de toute fonction, à une petite partie près, qui ne mériterait pas d’être comptée. Le Tout-Puissant n’aurait rien versé dans ce vase.


XVI.

On croirait remédier à cet inconvénient, en supposant que la matière, quoiqu’infinie, serait un moindre infini que l’espace, comme l’infini des nombres pairs, ou celui des impairs, est moindre que celui de la suite totale des nombres naturels. Mais alors l’attraction, qui se lie si bien, à ce qu’on croit, avec le vide, et qui est mutuelle entre tous les corps, agirait perpétuellement sur eux, pour les rapprocher les uns des autres, quelque dispersés qu’ils fussent d’abord ; et elle agirait sans avoir aucun obstacle à surmonter, puisque l’espace ou le vide n’a aucune force, ni attractive, ni répulsive. Les vides semés originairement, si l’on veut, entre tous les corps, disparaîtraient donc en plus ou moins de temps, et il ne resterait plus qu’un grand vide total au dehors de tous les corps violemment appliqués les uns contre les autres. Il est visible que, pour la vérité de cette idée, il n’est pas nécessaire que le rapport de l’infini de l’espace à celui de la matière, soit de 2 à 1, comme il a été posé dans l’exemple des nombres. Tout autre rapport, pourvu que l’espace soit le plus grand, fera le même effet.