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de quelque temps il en allait venir une meilleure. Ce temps étant passé : « Voici encore la même eau, disait-il, ce n’est point celle-là dont je veux boire ; j’aime mieux attendre encore un peu. » Enfin, comme l’eau était toujours la même ; il attendit si bien, que la source vint à tarir, et il ne but point.

JEANNE DE NAPLES.

Il m’en est arrivé autant, et je crois que de tous les morts qui sont ici, il n’y en a pas un à qui la vie n’ait manqué, avant qu’il en eût fait l’usage qu’il en voulait faire. Mais qu’importe ; je compte pour beaucoup le plaisir de prévoir, d’espérer, de craindre même, et d’avoir un avenir devant soi. Un sage, selon vous, serait comme nous autres morts, pour qui le présent et l’avenir sont parfaitement semblables, et ce sage par conséquent s’ennuierait autant que je fais.

ANSELME.

Hélas ! c’est une plaisante condition que celle de l’homme, si elle est telle que vous le croyez. Il est né pour aspirer à tout, et pour ne jouir de rien, pour marcher toujours, et pour n’arriver nulle part.



FIN DU TROISIÈME VOLUME.