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combien il est triste de n’envisager aucun avenir. Une petite prédiction, je vous en prie, telle qu’il vous plaira.

ANSELME.

On croirait, à voir votre inquiétude, que vous seriez encore vivante. C’est ainsi qu’on est fait là-haut. On n’y saurait être en patience ce qu’on est ; on anticipe toujours sur ce qu’on sera : mais ici il faut que l’on soit plus sage.

JEANNE DE NAPLES.

Ah ! les hommes n’ont-ils pas raison d’en user comme ils font ? Le présent n’est qu’un instant, et ce serait grand’pitié qu’ils fussent réduits à borner là toutes leurs vues. Ne vaut-il pas mieux qu’ils les étendent le plus qu’il leur est possible, et qu’ils gagnent quelque chose sur l’avenir ? C’est toujours autant dont ils se mettent en possession par avance.

ANSELME.

Mais aussi ils empruntent tellement sur l’avenir par leurs imaginations et par leurs espérances, que quand il est enfin présent, ils trouvent qu’il est tout épuisé, et ils ne s’en accommodent plus. Cependant ils ne se défont point de leur impatience, ni de leur inquiétude : le grand leurre des hommes, c’est toujours l’avenir ; et nous autres astrologues, nous le savons mieux que personne. Nous leur disons hardiment qu’il y a des signes froids et des signes chauds ; qu’il y en a de mâles et de femelles ; qu’il y a des planètes bonnes et mauvaises, et d’autres qui ne sont ni bonnes ni mauvaises d’elles-mêmes, mais qui prennent l’un ou l’autre caractère, selon la compagnie où elles se trouvent : et toutes