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CHARLES V.

Avoir de l’esprit est un hasard plus heureux ; mais au fond, c’est toujours un hasard.

ÉRASME.

Tout est donc hasard ?

CHARLES V.

Oui, pourvu qu’on donne ce nom à un ordre que l’on ne connaît point. Je vous laisse à juger si je n’ai pas dépouillé les hommes encore mieux que vous n’aviez fait ; vous ne leur ôtiez que quelques avantages de la naissance, et je leur ôte jusqu’à ceux de l’esprit. Si avant que de tirer vanité d’une chose, ils voulaient s’assurer bien qu’elle leur appartint, il n’y aurait guère de vanité dans le monde.


DIALOGUE III.

ÉLISABETH D’ANGLETERRE, LE DUC D’ALENÇON.


LE DUC D’ALENÇON.

Mais pourquoi m’avez-vous si long-temps flatté de l’espérance de vous épouser, puisque vous étiez résolue dans l’âme à ne rien conclure ?

ÉLISABETH D’ANGLETERRE.

J’en ai bien trompé d’autres qui ne valaient pas moins que vous. J’ai été la Pénélope de mon siècle. Vous, le duc d’Anjou votre frère, l’archiduc, le roi de Suède, vous étiez tous des poursuivans, qui en vouliez à une île bien plus considérable que celle d’Ithaque ; je vous ai tenus en haleine pendant une longue suite d’années, et à la fin, je me suis moquée de vous.

LE DUC D’ALENÇON.

Il y a ici de certains morts, qui ne tomberaient pas