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qu’il leur avait dit. Ils lui répondirent, avec beaucoup de respect, que c’était une chose qu’on n’osait redire à une grande reine, et se défendirent long-temps de la répéter. Enfin, quand elle se servit de son autorité absolue, elle apprit que le Hollandais s’était écrié tout bas : Ah ! voilà une femme bien faite, et avait ajouté quelque expression assez grossière, mais vive, pour marquer qu’il la trouvait à son gré. On ne fit ce récit à la reine qu’en tremblant ; cependant il n’en arriva rien autre chose, sinon que, quand elle congédia les ambassadeurs, elle fit au jeune Hollandais un présent fort considérable. Voyez comme au travers de tous les plaisirs de grandeur et de royauté dont elle était environnée, ce plaisir d’être trouvée belle alla la frapper vivement.

ANNE DE BRETAGNE.

Mais enfin elle n’eût pas voulu l’acheter par la perte des autres. Tout ce qui est trop simple n’accommode point les hommes, il ne suffit pas que les plaisirs touchent avec douceur ; on veut qu’ils agitent et qu’ils transportent. D’où vient que la vie pastorale, telle que les poètes la dépeignent, n’a jamais été que dans leurs ouvrages, et ne réussirait pas dans la pratique ? Elle est trop douce et trop unie.

MARIE D’ANGLETERRE.

J’avoue que les hommes ont tout gâté. Mais d’où vient que la vue d’une cour la plus superbe et la plus pompeuse du monde les flatte moins que les idées qu’ils se proposent quelquefois de cette vie pastorale ? C’est qu’ils étaient faits pour elle.

ANNE DE BRETAGNE.

Ainsi le partage de vos plaisirs simples et tranquilles,